Je ne partage pas le point de vue de Manuel Valls et pour tout dire ne le comprends pas, mais je trouve que ce qu'il déclenche dans le débat révèle le degrès élevé de sectarisme atteint par une partie importante de la gauche. A l'extérieur du PS on était largement habitué. A l'intérieur, cela devient problématique parce que le procès en sorcellerie qui se déchaine sur Valls finira par se déchaîner sur DSK si celui-ci revient pour crédibiliser à nouveau la gauche. Au fond, cette fracture s'était déjà révélée en 2005 quand une partie des tenants du Non avaient choisi de faire campagne contre leur parti. Déjà, une clique considérait qu'elle détenait le brevet du vrai socialisme et des tables de la loi, fusse-t'elle minoritaire. Les primaires ne sont pas un problème, elles ne le deviendront que si des socialistes n'acceptent pas le verdict des urnes. Manuel Valls a choisi une stratégie de com qui avait plutôt réussi à Ségolène Royal en 2006 : la différenciation, le parler vrai et le droit d'inventaire sur notre dernier quinquennat. Mais Manuel Valls n'est pas Ségolène Royal et il a peu de chance de l'emporter dans la primaire alors cessons de pousser des cris d'orfraie. Le verdict sera donné par les électeurs de gauche, pas par je ne sais quel commission des conflits internes au PS. Et ceux qui ne pensent pas la même chose que Valls feraient bien d'arrêter d'en faire une victime comme une partie de la gauche a pu le faire pendant des années avec Le Pen avec les résultats que l'on sait.
Le problème que me pose la déclaration de Valls c'est de poser la question salariale comme primant sur celle du traitement du chômage au moment où on atteint la barre des 4 millions. Or la RTT est d'abord un outil en faveur de l'emploi et de la baisse du chômage. Et je regrette vivement qu'au cours de cette décennie UMP où les gouvernements de Chirac et Sarkozy ont essayé de pilonner les 35h pour en faire le bouc émissaire de tous nos maux économiques, il ne s'est pas trouvé beaucoup de socialistes pour défendre cet acquis et en particulier en matière de baisse du chômage de 1997 à 2002. Après 8 ans de déverrouillage des 35h par les gouvernements UMP (35h qui restent la durée légale du travail en France contrairement à ce que beaucoup disent !), le chômage a atteint son pic historique en passant la barre des 4 millions.
Or ce que propose Manuel Valls serait peut-être efficace sur le plan salarial (et plus que les lois sur les heures sup de Sarko), mais cela aurait un effet néfaste sur la création d'emplois. En attendant c'est sans doute plus pragmatique que la conférence salariale qui imposerait une hausse des salaires comme çà. Le problème d'aujourd'hui et en particulier dans ce moment de crise n'est pas un problème de compétitivité ou d'offre, puisque la compétitivité des salariés français est l'une des meilleures au monde, mais c'est bien la question de la nature de notre contrat social. Or nous sommes à un moment de crise où il faut remettre la question du chômage au coeur de débat politique (c'était la question n°1 de tous les grands rendez-vous électoraux jusqu'en 2002...) et la RTT a été un outil plutôt efficace, mais sans doute qu'il faut envisager cette question de manière moins centralisée, verticale et unifiée qu'avec les Lois de 1997-2002.
Enfin, si je ne partage pas la proposition de Manuel, je suis en revanche d'accord quand il dit que la gauche doit pouvoir passer un nouveau pacte avec le monde de l'entreprise. Et de ce point de vue, ce n'est certainement pas ce que nous avons produit dans nos conventions qui le permettra. Mais les entreprises, ce sont les entrepreneurs (qui sont d'abord des créateurs de richesse et d'emploi), et surtout des salariés.
Au moins le débat des primaires a commencer et si cela permet d'ouvrir de vrais débats de fond et de société, je ne vois vraiment pas qui s'en plaindra. C'est comme cela que le PS s'imposera comme la force moteur de l'alternance au cours de cette année 2011. Que chacun trace sa route et que le ou la meilleurE gagne. Vive les primaires.